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De Voltaire à Transformers

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Je n’ai pas écrit depuis longtemps, mais pour compenser, ce texte sera long et sinueux; je le publierai donc en plusieurs parties.

J’achève actuellement la lecture des Bâtards de Voltaire, un survol historique par John Saul des trois derniers siècles avec comme perspective le déraillement de la raison. Ses idées sur l’art et le langage m’inspirent ici ces réflexions, découlant aussi de quelques articles publiés par Jim Emerson sur son blogue Scanners (ici, ici et ici) concernant Transformers : Revenge of the Fallen et plus spécifiquement sur l’énorme écart entre la réception par la critique de ce film et celle du public (si l’on se fie au box-office).

Commençons par le détour philosophique : selon Saul, le concept de raison tel que nous l’entendons aujourd’hui est dorénavant détaché de toute moralité et du sens commun, alors qu’à la base la raison s’élevait d’abord et surtout contre une église et une monarchie hégémoniques et immorales. Maintenant, le concept de raison est principalement synonyme de logique ou à la limite d’intelligence, il est souvent associé à la science et à sa méthode, un peu comme si pour contrebalancer une foi que l’on conçoit aveugle et irrationnelle il faut lui substituer une proposition plus objective ou en tout cas vérifiable. «L’appel à la raison» est en fait un appel à une logique factuelle s’opposant à tout système de pensée trop ésotérique, c’est une demande pragmatique réclamant une preuve objective à toute théorie. Pourtant, la raison n’a rien d’objectif : pour Descartes, la raison est un a priori, une connaissance innée que l’homme peut ou doit utiliser afin de structurer l’expérience et par conséquent le monde. Ce n’est pas une logique, en ce que ce n’est pas un système fixe avec ses règles et ses lois, et ce n’est pas non plus un outil scientifique niant tout ce qui ne découle pas du positivisme. Lorsqu’au dix-huitième siècle les philosophes humanistes s’élèvent contre la religion, il ne s’agit pas simplement d’un combat entre une science rationnelle et une foi irrationnelle, c’est surtout une lutte politique, sociale et philosophique contre une société trop déshumanisante dans son ensemble.

Il semble aussi y avoir aujourd’hui une certaine confusion entre humanisme et individualisme, ou en tout cas il s’est opéré une dérive de l’un à l’autre au courant du dernier siècle. Cette confusion provient en partie d’une perte de sens de certains mots autrefois chargés d’une portée pratiquement mythologique; comme ce mot, «raison». Par exemple, contrairement à ce que l’on croit maintenant, l’adjectif «raisonnable» a bien plus à voir avec la définition initiale de «raison» que l’adjectif «rationnel». «Raisonnable» fait référence au sens commun, Voltaire nous rappelant que cette expression d’origine romaine recouvre plus que le simple bon sens, cela inclut aussi l’humanité et la sensibilité, des termes qui n’ont rien à voir avec «rationnel», désignant plutôt une structure et une méthode précise que l’on superpose sur des événements afin de les intégrer dans un cadre logique. La religion, si elle n’est pas rationnelle, n’en demeure pas moins raisonnable, chose que l’on oublie trop souvent.

L’humanisme s’efforçait donc à redonner à l’homme ce qui lui revenait de droit, sa raison et sa liberté par exemple, à le replacer au centre des réflexions plutôt que comme sujet d’un Dieu ou d’un roi. La raison étant fondamentalement humaine, elle devenait l’outil idéal pour fonder l’avenir. Évidemment, valoriser l’homme n’équivaut pas à valoriser l’individu, mais nous sommes rapidement passé de l’un à l’autre, à partir du moment qu’évolution s’est confondu avec progrès et que le système de compétition s’est mis en place, ce qui était moins possible du temps que nous étions tous égal face à un Dieu ou un roi; maintenant, nous nous définissons comme égaux, tout en valorisant la performance et l’efficacité, donc le meilleur, celui à qui l’on rêve et qui justement n’est plus notre égal. Tous ne pouvaient pas être roi, encore moins Dieu, on s’efforce aujourd’hui de faire de nous tous des dieux potentiels, conséquence aussi d’une société sans religion. D’ailleurs, tout cela n’a rien à voir avec le capitalisme, monstre généralement désigné unique responsable de tous nos maux, ce terme aussi a été dénaturé : qui dit recherche de profit ne dit pas nécessairement course au plus grand profit. La recherche effrénée de profit provient plus de cette compétition entraînée par une société valorisant les héros, les premiers et les meilleurs, vendant hypocritement l’idée que tous peuvent y parvenir, ne présentant toutefois sur le podium que les cas d’exception.

(Ne vous inquiétez pas : on arrive tranquillement à Transformers…)

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En même temps que certains mots perdent leur sens originel et précis en se généralisant au point de devenir confus et parfois même insignifiants, un nouveau langage technique voit le jour dans presque toutes les disciplines, en science comme en art. La spécialisation des métiers entraîne une spécialisation du langage : dorénavant, seul un physicien peut parler à un physicien, aucun philosophe aujourd’hui ne peut sérieusement bâtir un système cohérent englobant la totalité des connaissances du moment. L’objectif de ce nouveau langage est simple, c’est une question de contrôle. Tant que seuls les physiciens peuvent parler entre eux, personne ne peut les remettre en question, ils pourront toujours répliquer que nous n’y comprenons rien. C’est la conséquence d’une raison amorale : la création d’une structure qui prétend décrire la réalité en ne s’y référant pratiquement plus. Au départ, la raison procédait de valeurs précises, celles de l’humanisme (égalité, justice, liberté, etc.). Elle venait donc en réaction contre un monde, elle était tout à fait ancrée dans cette réalité qu’elle voulait changer. Elle y parvint d’ailleurs, mais en subsistant dans cette réalité nouvelle, elle perdit sa raison d’être et s’affranchit peu à peu du réel qu’elle avait engendré, délaissant du coup sa portée morale. La spécialisation témoigne de cette perte de sens : le langage est censé être synonyme de communication, c’est là son unique et essentielle utilité. S’il ne parvient plus à communiquer ce qu’il prétend décrire, à quoi peut-il servir? Il est évident que le grand public ne peut pas absorber la mécanique quantique dans tous ses détails, comme le public de Copernic ne pouvait pas nécessairement comprendre les détails de sa démarche, mais il est certainement possible de communiquer les conséquences de la physique quantique sur notre conception du réel, comme on pouvait comprendre au seizième siècle les conséquences de l’héliocentrisme. Or, qui, aujourd’hui, tente de transmettre sérieusement ce savoir au public (dans un langage clair et intelligible de surcroît)?

L’art n’a pas échappé à cette spécialisation. Écrivain, réalisateur, artiste, ce sont maintenant des professions, gérées par des professionnels. L’implication est évidemment la même que pour les physiciens : l’écrivain aujourd’hui semble s’adresser uniquement à ses confrères. Le public, lui, n’aurait pas la culture nécessaire pour le comprendre. L’art étant comme le langage un moyen de communication, destiné en théorie au grand public, un clivage de plus en plus grand s’opère entre, par exemple, ce que nous nommons le «cinéma d’auteur» et le «cinéma commercial».

Jusqu’ici, j’ai plus ou moins suivi la réflexion de Saul, de laquelle je vais maintenant me distancier en partie. Comme Saul, je déplore ce terme de «cinéma commercial», terriblement élitiste et méprisant. Tout art, en théorie, est commercial, dans la mesure où pour être commercial, donc rentable, il faut chercher à rejoindre le plus grand nombre. Déplorer que le cinéma soit commercial, c’est pratiquement dénigrer à cet art son droit (voire son devoir) d’être accessible à tous. Évidemment, l’expression tend surtout à dénoncer l’aspect mercantile de ce type de production, mais celui-ci se dénombre justement en nombre d’entrées en salles, donc en son potentiel de rejoindre un grand public. Le mercantilisme se trouve de façon beaucoup plus évidente dans les films pour enfants par exemple, qui engendrent une quantité incroyable de produits dérivés. Ça, c’est du mercantilisme immoral.

Transformers donc. Que je n’ai pas vu (et que je n’ai pas l’intention de voir). Moyenne de 20% sur Rotten Tomatoes et de 35% sur Metacritic, avec un box-office de $108,966,307 au premier week-end et de $363,808,123 en date du 19 juillet (selon IMDB). Le box-office n’est peut-être pas un bon baromètre d’appréciation : le premier week-end n’indique que le degré de hype autour du film; s’il poursuit sur sa lancée, le succès est plus évident. En fait, c’est surtout la réaction de la critique, proprement haineuse, qui impressionne, et les commentaires des fans enragés, outrés que leur film soit descendu aussi sauvagement. Des exemples sur le blogue d’Emerson, de Roger Ebert (après sa critique de Transformers, puis sa réponse aux commentaires) et sur La Presse. Ce qui suit peut étonner le lecteur de ce blogue, familier avec les messages précédents. Je prends ici un peu le contrepied de ce que j’écrivais à propos de Carcasses et Denis Côté, reprenant en les énonçant plus précisément les arguments impliqués par le texte de Falardeau par exemple. De toute façon, je reprendrai le flambeau «élitiste» dans la deuxième partie de cet exposé; pour l’instant je m’attaque à la critique et à l’industrie, avant de me tourner contre le public…

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Plusieurs phénomènes mentionnés sont en place dans des productions comme Transformers, la compétition étant le plus évident. Hollywood peut garder la main-mise sur le cinéma mondial en imposant son style à cause de la démesure des moyens imposés. Personne ne peut rivaliser avec des budgets de plusieurs centaines de millions de dollars, même si rien ne justifie de telles dépenses cyclopéennes. Roger Corman disait dans son autobiographie être capable de discerner dans un film si le budget était visible à l’écran, sauf dans le cas des superproductions, où il n’y comprenait strict rien. Qui peut vraiment comprendre où va cet argent? L’important, de toute façon, c’est la dépense. L’argument est simple : qui dépenserait autant, userait de tant de moyens, pour faire un film minable? Si nous sommes prêts à mettre autant d’effort sur un projet, c’est qu’il en vaut la peine. La course au profit ne justifie en rien de tels budgets; au contraire, les profits seraient bien plus élevés si l’on diminuait de moitié ces budgets en coupant, par exemple, dans le salaire des stars (ce qui n’est pas vraiment une solution envisageable, puisque ces salaires sont aussi prestigieux que les budgets des superproductions, ils servent à glorifier l’industrie du rêve en plaçant ces étoiles au sommet d’un firmament véritablement inaccessible). Non, encore une fois, c’est une question de contrôle, de prestige, c’est le résultat de cette course au meilleur qui se traduit ici par une course au plus onéreux. Tant que seul Hollywood se permet de produire un Transformers aussi coûteux (200 000 000 $), ils resteront en contrôle de l’industrie et, partant, du langage cinématographique.Ces budgets sont d’ailleurs si élevés qu’on les comprend à peine, on ne parvient pas à s’imaginer l’ampleur de cette somme (comme d’ailleurs pour le salaire des stars et leurs dépenses incommensurables). Si nous y arrivions, on réaliserait l’étendue de l’indécence, et on s’élèverait de façon beaucoup plus violente contre ce système. Or, à ma connaissance, il n’y a que Peter Watkins qui s’attaque de façon virulente contre ces budgets, on les accepte en général sans broncher, se contentant d’une simple marque d’étonnement. En maintenant leurs budgets aussi élevés, Hollywood empêche aussi la critique, qui serait beaucoup plus féroce autrement.

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Quand on dénonce le «cinéma commercial», c’est surtout cet aspect de surenchère budgétaire qui devrait être visé. En réalité, Hollywood n’est pas obligé de faire un film accessible et grand public, une bonne campagne publicitaire (coûtant plusieurs millions) suffit. Le but est de remplir les salles le plus rapidement possible et de rembourser les coûts de production en un week-end, donc avant que le bouche à oreille commence et que le public décide du sort du film. Les critiques, eux, n’y peuvent rien, ils font partie de la publicité pour la plupart, peu importe d’ailleurs la cote qu’ils accordent au film. Le budget fait aussi partie de cette campagne publicitaire : le film a coûté autant, venez donc voir ce que l’on peut faire avec tout cet argent. À la limite, Hollywood pourrait faire des films terriblement mauvais, mais en leur donnant une couverture publicitaire adéquate, réaliser des profits serait envisageable, avant que le bouche à oreille fasse son effet. À la longue, si répétée trop souvent, cette stratégie ne pourrait pas marcher, il y a encore une limite à prendre le monde pour des cons. On fait donc un cinéma décent, techniquement irréprochable, assez bruyant pour être divertissant, dans le sens propre du terme («regardez tout cet argent à l’écran, oubliez que vous n’en avez pas pour mieux rêver à celui-ci…»)

Malgré tout, lorsqu’on parle de «cinéma commercial» et de «cinéma d’auteur», on parle rarement d’argent, on parle plutôt d’accessibilité, on tente de les distinguer au niveau du langage et non seulement en terme monétaire. On parle du but visé (le profit vs l’art pour l’art disons) et comment le langage utilisé sert cet objectif, comment une réalisation conventionnelle et conformiste rapporte et qu’une mise en scène inventive rebute. Pourtant, le profit n’est pas réellement l’intérêt premier d’Hollywood, le contrôle d’une industrie et des possibilités que recèle une image distribuée à travers le monde importe bien plus, l’argent n’est qu’un corollaire. Et ceux qui, hors Hollywood, font des films comme Hollywood, ne pensent pas nécessairement à l’argent : regardez Éric Canuel, il est mû par un réel désir de faire un «cinéma commercial», pas de faire de l’argent à tout prix. Étrangement, c’est exactement ce qu’on lui reproche, ce désir de faire comme les voisins, et donc d’essayer d’être accessible. Il serait plus simple de dire, tout simplement, qu’il fait de mauvais films. Le fait qu’il imite mal les autres n’a rien à y voir, son incompétence peut être décrite en restant dans l’œuvre, en ne parlant que de montage, de caméra ou de scénario, sans avoir à mentionner l’aspect «commercial» ou «conventionnel», pratiquement des synonymes.

D’ailleurs, il faut déplorer cette utilisation du mot «conventionnel», devenu avec le temps l’équivalent de «mauvais» (et souvent aussi de «accessible»), comme si de suivre une convention indique quelque tare inadmissible en art. Après la découverte de la perspective en peinture, fallait-il immédiatement la briser, parce qu’il était devenu «conventionnel» de la respecter? Conventionnel n’est pas un mot péjoratif et le fait qu’il l’est indique déjà certains tics des critiques. En réalité, je crois les critiques plus paresseux qu’élitistes : ils utilisent le mot «conventionnel» parce que, justement, il est conventionnel de le faire. À la limite, c’est acceptable en anglais, «conventionnel» étant aussi synonyme de «ordinaire», mot déjà plus négatif, mais ce n’est pas le cas en français, où conventionnel ne signifie que relatif ou conforme aux conventions. C’est justement cette dégradation du langage qui est en cause, que ce soit des anglicismes, révélateurs au demeurant, ou simplement des mots mal employés, cette façon donc d’utiliser des expressions toutes faites sans se rendre compte de la portée de celles-ci. La recherche du mot juste aujourd’hui dans les médias, c’est passéiste comme attitude. Mieux vaut être aussi conventionnel dans notre critique que ce mauvais film parce que conventionnel que nous décrions.

Après avoir utilisé une fois de trop le mot «conventionnel» sur un film trop populaire, le critique reçoit une flopée de commentaires sur son mail, dont l’argument préféré du public, et celui que le critique connaît le mieux parce qu’il lui a déjà répliqué quelques milliers de fois, un argument que d’ailleurs il aime bien puisqu’il lui permet d’étaler sa vision du cinéma, ce fameux «si tout le monde a aimé ça, ou si ce film a fait autant d’argent, c’est donc que c’est bon». Le critique dira que la qualité d’un film n’a rien à voir avec son appréciation et que de toute façon le nombre d’entrées en salle indique seulement le nombre de personnes qui ont vu le film et non le nombre de personnes qui l’ont aimé. Ensuite, l’argument se dégrade. Il commence la distinction «bon film» et «film que l’on aime», assez ambiguë d’ailleurs, car en même temps on admet que l’on n’aime pas se faire dire que l’on aime un mauvais film et il est toujours implicite que le critique, lui, aime les bons films (même s’il admet son droit à l’erreur). On retire en fait au public son droit d’apprécier un film, sous prétexte qu’il n’a pas la culture nécessaire pour le faire, en disant essentiellement «moi, je suis un spécialiste, un professionnel, alors que vous n’êtes que des amateurs».

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Soit dit en passant, je ne veux pas juger ici la critique, je tiens moi-même de tels propos, avec lesquels je suis partiellement d’accord. Il s’agit avant tout de constater ce clivage, et ensuite de comprendre d’où il provient. La spécialisation est certainement responsable de cette division de plus en plus marquée. D’un autre côté, il me semble normal d’assister à cette spécialisation du langage; après tout, pour arriver à dire quelque chose, il faut être précis, et les termes techniques restent un outil essentiel à la compréhension d’un art (ou d’une science). Il est vrai toutefois que cela entraîne un détachement face à ceux qui ne possèdent pas le même langage, à qui il est donc difficile de s’adresser avec les termes qui nous semblent le mieux convenir. Au départ donc, l’écart entre la critique et le public ne tient pas à ce langage, mais l’utilisation de ce dernier creuse le fossé. Le problème, c’est que l’art ne devrait pas être spécialisé, il est destiné à tous, mais il est géré aujourd’hui comme n’importe quel autre domaine, il est soutenu par la même méthode rationnelle qui emprisonne le reste de la société. Il n’est pas normal que pour apprécier pleinement un art il faille en connaître tous les secrets. Il ne devrait pas être nécessaire de savoir reconnaître un plan-séquence pour apprécier un film de Tarkovski. Le problème tient en partie à ce que le spécialiste s’attaquera à Tarkovski en mettant l’accent sur cet aspect, en utilisant donc un langage technique, plus rationnel que raisonnable, oubliant de ce fait la relation entre l’art et le réel. En insistant sur la mécanique du plan-séquence, sur la cohérence d’une diégèse, sur l’utilisation d’une longue focale, on en vient à valoriser la technique au détriment de sa fonction, d’où d’ailleurs un art de plus en plus formel, conscient de ses effets, et de moins en moins lié à la réalité. Et des critiques, aussi, qui s’en régalent, ce formalisme référentiel justifiant leur culture cinématographique qu’ils peuvent étaler dans des titres-jeux-de-mots faisant inévitablement référence à un film quelconque, souvent sans lien pertinent avec l’œuvre évaluée (le Voir, à ce niveau, est le champion inégalable).

Cette spécialisation indique le clivage, mais il en est difficilement responsable; dans le prochain message, j’adresserai plus spécifiquement le problème de l’image contemporaine, les répercussions de son déclin. Pour l’instant, concluons que malheureusement, peu tentent de réduire l’écart en s’adressant clairement au public, en offrant autre chose qu’un rapide cours d’histoire de l’art (on peut penser à David Bordwell, toujours clair, précis et agréable à lire). En réalité, une œuvre d’art devrait pouvoir être appréciée en dehors de l’histoire qui la précède, même si ce passé l’enrichit certainement. Quand des critiques s’en prennent à Michael Bay avec des insultes à peine voilées, comme s’il était responsable de tout le déclin hollywoodien (quelqu’un comme Emmerich m’apparaît bien pire que Bay d’ailleurs), ils oublient un peu de faire leur travail, c’est-à-dire de la critique. Quand Jim Emerson dit que la critique ne s’adresse pas au grand public (ici), il fait une grave erreur, d’autant plus qu’il écrit sur un blogue pour le Chicago Sun-Times, un journal d’envergure nationale susceptible d’être lu par des millions. S’il est vrai que tous ne lisent pas les critiques artistiques, tous ont la possibilité de le faire, et il ne faut donc pas s’adresser qu’à ceux qui, essentiellement, ont une vision semblable de l’art. Ceux-là peuvent trouver un discours à leur mesure dans les revues spécialisées. Un journal comme le Sun, ou La Presse ici, ne peut pas se permettre un tel discours élitiste s’il veut ouvrir un véritable dialogue avec ses lecteurs, qu’ils soient potentiels ou réels.

Enfin, la véritable réponse à ce débat repose, selon moi, dans ce qui s’en vient, un commentaire sur l’image et sur cette question de la culture et du savoir nécessaire à l’appréciation de cette image…


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